jeudi 28 février 2008

L'art d'écouter.

Dans chaque discussion, qu'elle soit passionnée ou simplement banale, nous parlons et nous entendons ce que l'autre a à nous dire.
Nous entendons mais écoutons nous vraiment ?
Sommes nous toujours attentifs au message de l'autre?
Ne vous arrive-t-il pas parfois de poursuivre votre propre monologue intérieur pendant que l'autre parle dans le vide?
N'êtes vous pas déjà en train de penser à votre réplique alors que l'autre n' a même pas fini d'exposer ses arguments?
Pire, mesdames, vous arrive-t-il d'établir mentalement votre liste de courses pendant que monsieur vous expose gravement les souffrances du pot d'échappement de sa voiture?
Plus sérieusement, l'écoute active est un exercice difficile que nous pratiquons moins souvent que nous le pensons.
Elle suppose concentration et paix intérieure à une simple présence sans paroles.
L'art d'écouter réside dans la qualité de l'attention.
Jacques Salomé nous propose de " se faire ouïe pour entendre au-delà des violences, du désarroi ou des chuchotements du désespoir les cris du silence".

Denise Glaser , créatrice et animatrice pendant plus de quinze ans de l'émission Discorama, était une virtuose de l'écoute active.
Elle parlait peu, écoutait l'invité, écoutait les silences de l'invité, les silences importaient plus que les paroles. Ils étaient souvent lourds de sens, l'émotion naissant ainsi. Elle a ouvert un nouveau genre d'interview-confidence dans le respect de l'autre. Elle disait : "Quand on veut que quelqu'un parle et l'écouter, le mieux est encore de fermer sa gueule..."
Lors d'un Discorama, par son silence, Léo Ferré se mit à pleurer à chaudes larmes.
Qu'il lui soit ici rendu hommage!


lundi 25 février 2008

Retour de guerre.

Il n'en a parlé à personne ce soir-là pas plus que d'habitude, de cette femme et de ces enfants qui occupaient ses pensées en permanence.

Pourtant, à la table familiale de Bertrand, ce voisin qui l'avait si gentiment invité en ce soir de Noël , il s'est senti si seul si infirme.

Quand il était revenu de la guerre avec son bras malade, son bras qui ne pourrait jamais plus creuser le sillon, tailler les arbres, tirer l'eau du puits, il avait réfléchi.

Comment faire vivre Marie et les enfants ? Comment mettre sur la table chaque jour le pain et le miel ? Et les enfants, n'auraient-ils pas honte d'aller aux manèges ou à l'étang avec un père diminué?

Alors, il n'était jamais rentré.

Il n'avait jamais revu ni Rose ni Pierre ni Jeanne ni hélas, Fidèle morte pendant la guerre.

Bien sûr, Marie, quand elle portait son linge à l'étang, il l'avait suivie souvent, accroupi, dissimulé dans les hautes herbes comme un animal traqué. Il pouvait distinguer sa silhouette fragile, ses longs cheveux châtains et parfois le reflet de ses yeux d'or.

Les enfants, il aimait, le dimanche, les regarder de loin, jouer aux manèges, dans leurs manteaux blancs.

C'est là qu'un jour Marie est venue les chercher avec un homme.

Cet homme avait un regard si chaud pour Marie et des mains si bonnes pour les enfants que lui, l'infirme, il est parti, il a quitté le village pour toujours...


Texte écrit pour la consigne 64 du blog de

http://coumarine2.canalblog.com/ Paroles Plurielles

et texte réponse à la chanson"Dites-lui" de N.Heiman et E. Marnay enregistrée en 1970 chez CBS par Marie Laforêt

samedi 23 février 2008

Le cahier à couverture rouge.

"J'ai sorti mon cahier à couverture rouge de mon grand sac pour écrire mon amour.
Non pas pour t'écrire, mon amour car je ne t'ai jamais écrit mon amour.
Mais il fallait enfin que j'écrive cet amour, celui que j'avais gardé tout au fond de moi
Comme une blessure intime et secrète jamais refermée...

Mon amour est apparu brutalement un jour de septembre.
Il a frappé ma jeunesse, mon innocence, mon ignorance.
Car je ne savais rien de l'amour, du temps ,du manque, de la souffrance.
Nous nous sommes croisés sur un pont et tu m'as regardée...

Ton regard , c'était un poignard.
En un instant et pour l'éternité,
Tout m'a été donné
L'amour, le temps, le manque et puis la souffrance...

Je l'ignorais alors mais c'était surtout elle que tu étais venu m'apprendre.
C'était ta mission, ta raison d'être sur ce pont.
Grâce à toi, mon amour, depuis ce jour-là et pour toujours,
Plus aucune souffrance ne m'est étrangère.....

A petit pas, jour après jour, j'en ai fait le tour.
Mais, grâce à toi aussi mon amour,
Sur la dernière page de mon cahier à couverture rouge,
Je suis capable d'écrire ce mot

Compassion."

Texte écrit pour la consigne 63 du blog de http://coumarine2.canalblog.com/
Paroles Plurielles

jeudi 21 février 2008

Le chanteur qui aimait les poètes.

Le chanteur Bernard Lavilliers vient encore d'être accusé de plagiat ! Pourquoi s'étonner ? Qui connaît et aime la poésie sait parfaitement que la chanson "je te reconnaîtrai" s'inspire clairement du poème "Petit matin" de Claude Roy et la chanson "attendu" reprend de larges extraits du poème "Difficile de juger" de René Laporte. Et bien, Bernard Lavilliers est comme moi, il aime les poètes et comme moi, il aime la poésie de Joyce Mansour puisque dans sa chanson "saignée", il a repris mot à mot son poème "La pointe".
Joyce Mansour est une poétesse d'origine égyptienne, née en Angleterre en 1928 qui vécut en France et en Égypte. Elle a fait partie du courant surréaliste. Sa poésie était souvent cruelle et érotique. Voyez plutôt:

"Que mes seins te provoquent
Je veux ta rage
Je veux voir tes yeux s'épaissir
Tes joues blanchir en se creusant.
Je veux tes frissons.
Que tu éclates entre mes cuisses
Que mes désirs soient exaucés sur le sol fertile
De ton corps sans pudeur."

Joyce Mansour "Cris" 1953

mardi 19 février 2008

La Belgique, terre d'accueil !

La mort des amants

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières,
Sans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux.

Et plus tard un Ange, entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternes et les flammes mortes.

"Les Fleurs du mal" Charles Baudelaire

"La mort des amants" et " L'invitation au voyage" de Baudelaire, je les ai aussi reçus tous deux dans mes bagages de classe de poésie . Deux poèmes encore à retenir par "le" cœur! Pourtant je les avais oubliés jusqu'à ce que la vie par hasard, me remette en mémoire Charles Baudelaire, ce poète jugé scandaleux par son époque. Une poésie "de chair et de sang" disait Georges Pompidou.
Pour son recueil "Les Fleurs du mal" paru en 1857 en 500 exemplaires , Baudelaire fut poursuivi en France pour outrage à la morale religieuse et aux bonnes mœurs publiques et l'éditeur dût retrancher 6 poèmes du manuscrit original.
Nous les Belges, étions nous tellement passionnés de poésie? Avions-nous une vision moins restrictive de la morale et des bonnes mœurs ? Ou avions nous cette grande ouverture d'esprit, cette grande tolérance vis à vis de l'art qui nous caractérisent encore aujourd'hui ? Toujours est-il que Charles Baudelaire s'installa chez nous et réussit à publier en 1866 à Bruxelles l'intégralité des "Fleurs du mal".
"Belgique, terre d'accueil des poètes", ce serait joli sur les panneaux de nos frontières, non ?

PS: Si vous voulez en savoir plus sur le paysage littéraire et culturel de Baudelaire , allez faire un tour sur le très riche et très beau blog de Laura : http://lauravanel-coytte.hautetfort.com/

samedi 16 février 2008

Le bénéfice du doute

En septembre dernier, la publication de la correspondance de Mère Térésa nous a appris à notre grand étonnement combien sa vie de religieuse fut troublée par la présence du doute permanent dans sa foi. Cinquante année de souffrances à vivre dans les ténèbres ! Etonnant, non ? Surtout lorsque l'on songe aux œuvres magnifiques accomplies par cette petite sœur de Calcutta!
Et pourtant, les catholiques les mieux renseignés ne seront pas tellement étonnés.
Thérèse de Lisieux, rentrée au couvent après la grâce de la Vierge au sourire et la conversion de Pranzini, passera toute sa courte vie de carmélite dans ce qu'on appelle "la nuit noire de la foi".
Et cette nuit noire est l'une des pièces du "Château intérieur" de Thérèse d'Avila qui a forcément dû la connaître pour pouvoir la décrire.
De quoi nous rendre ces habitants du Paradis finalement plus proches qu'on ne le pensait.
Jusqu'à ce Fils qui s'est écrié à l'ultime instant: "Mon Dieu, pourquoi m'as tu abandonné ?" Vous avez dit "doute "?

Je terminerai par une anecdote trouvée dans le livre de Frère Antoine "Une bouffée d'ermite" à propos de Mère Térésa.

La religieuse arrive avec une soupière de riz dans une famille pratiquant l'hindouisme :
"J'ai appris, dit-elle, que vous n'avez pas mangé depuis sept jours...?
- C'est vrai, ma mère, dit la mère de famille, mais repassez demain, car notre jeûne ne se termine que ce soir..."

vendredi 15 février 2008

Chagrin d'école

J'ai été professeur.
Je le serai peut-être encore un jour.
Quel métier difficile! Surtout de nos jours!
Ah l'angoisse qui vous étreint avant d'entrer dans l'arène, je veux dire dans une classe où 25 ou 30 jeunes généralement surexcités et très bruyants vous attendent.
Comment obtenir un peu de calme? Comment amener leur esprit là où il doit être c'est-à-dire dans la classe au cœur de la matière enseignée? Comment les intéresser? Comment faire intégrer les apprentissages à tous , y compris aux plus récalcitrants.

Daniel Pennac, professeur de lettres mais aussi ancien cancre , a écrit "Chagrin d'école" pour nous parler de son expérience de cancre d'abord, de professeur ensuite.
C'est un roman rempli d'optimisme, de confiance dans la vie et de bons conseils, un roman à mettre entre toutes les mains des professeurs, des cancres et de leurs parents désespérés!

Daniel Pennac donne ici la parole à une jeune professeur de banlieue parisienne, passionnée de musique, qui réussit très bien avec des classes réputées difficiles:
"Chaque élève joue de son instrument, ce n'est pas la peine d'aller contre. Le délicat, c'est de bien connaître nos musiciens et de trouver l'harmonie. Une bonne classe, ce n'est pas un régiment, qui marche au pas, c'est un orchestre qui travaille la même symphonie. Et si vous avez hérité du petit triangle qui ne sait faire que ting ting, ou de la guimbarde qui ne fait que bloing, bloing, le tout est qu'ils le fassent au bon moment, le mieux possible, qu'ils deviennent un excellent triangle, une irréprochable guimbarde, et qu'ils soient fiers de la qualité que leur contribution confère à l'ensemble. Comme le goût de l'harmonie les fait tous progresser, le petit triangle finira lui aussi par connaître la musique, peut-être pas aussi brillamment que le premier violon, mais il connaîtra la même musique."

mardi 12 février 2008

Irons-nous à la Foire du Livre pour rencontrer nos auteurs favoris?

Que vaut-il mieux, rencontrer personnellement un auteur intéressant et entamer avec lui une conversation ou lire l'un de ses livres ?
Lire l'un de ses livres, bien sûr ! Pourquoi ?
"En partie à cause du mode de fonctionnement de l'esprit, de sa condition d'organe intermittent, qui risque toujours de perdre le fil ou de se laisser distraire, et qui génère des pensées essentielles seulement entre des intervalles d'inactivité ou de médiocrité. (....)
Par contre, un livre permet la distillation de notre esprit sporadique, l'enregistrement de ses manifestations essentielles, la concentration de ses moments inspirés qui se sont peut-être étalés sur des années, entre de longues périodes de contemplation bovine. De ce point de vue, rencontrer un auteur dont on a aimé les livres est forcément une déception parce qu'une telle rencontre ne peut que révéler une personne telle qu'elle existe, assujettie aux limitations du temps."

Cette brillante pensée n'est pas de moi mais du jeune philosophe et écrivain helvetico-anglais Alain de Botton dans son roman "Comment Proust peut changer votre vie"
Si Marcel Proust vous a toujours semblé ennuyeux, si la philosophie vous rebute et si les réflexions profondes sur les grandes questions de la vie ne sont pas votre tasse de thé, essayez quand même de lire Alain de Botton , d'abord vous allez rire ensuite vous allez peut être changer d'avis !

lundi 11 février 2008

L'homme beau.

Charlotte Delbo est une femme écrivain française née en 1913 qui a adhéré très jeune au parti communiste. Elle y a rencontré Georges Dudach en 1934 qu'elle a épousé.
Pendant la seconde guerre mondiale, dès septembre 1941, elle et son mari décident d'entrer dans la résistance. Ils font partie du groupe Politzer qui rédige un journal clandestin appelé "les lettres françaises" dans lequel écrit, entre autres, Louis Aragon.
Charlotte et son mari sont arrêtés le 2 mars 1942. Georges sera fusillé au Mont Valérien le 28 mai 1942 à l'âge de 28 ans.

Voici ce très émouvant poème d'adieu de Charlotte à son mari :

"Appuyé au mur, Georges m'attendait. Je n'oublierai jamais son sourire.
(......)
Je lui ai dit
que tu es beau.
Il était beau de sa mort à chaque seconde plus visible.
C'est vrai que cela rend beau
la mort.
Avez-vous remarqué
comme ils sont beaux
les morts, ces temps-ci
comme ils sont jeunes et musclés,
les cadavres de cette année.
Elle rajeunit tous les jours
la mort
cette année
un petit gars hier n'avait pas dix-neuf ans.
Je sais bien qu'il n'y a rien comme elle
pour vous embellir un vivant
rendre le visage de l'enfance.
Lui était beau de sa mort
à chaque seconde plus beau
qui allait se poser sur lui
plaquer à son sourire
à ses yeux
à son cœur
à son cœur tout battant
tout vivant.
D'autant plus horrible qu'il était plus beau
d'autant plus horrible qu'ils sont
plus jeunes et plus beaux
tous
couchés côte à côte
beaux pour l'éternité
et fraternels
alignés
quand on moissonne l'homme comme l'épi
l'épi en sa saison le grain mûr
l'homme en sa saison
à l'été de la révolte
quand on couche l'homme comme l'épi
le regard en face de l'acier
poitrine offerte
poitrine crevée, cœur troué
ceux qui avaient choisi.

C'est ce qui le faisait si beau
d'avoir choisi
choisi sa vie, choisi sa mort,
et d'avoir regardé avant."

Charlotte Delbo, une connaissance inutile.

Malheureusement, le calvaire de Charlotte Delbo ne s'arrête pas là car elle a été déportée à Auschwitz par le convoi du 24 janvier 1943 qui transportait 230 femmes. Elle fût l'une des 49 rescapées de ce convoi et porta, sa vie durant, le numéro 31661 tatoué sur le bras.
Elle a été rapatriée par la Croix Rouge Le 23 avril 1945.
Après la guerre, elle a travaillé pour l'ONU, le CNRS et a beaucoup écrit au sujet de la déportation.
Elle est décédée le 1er mars 1985.

dimanche 10 février 2008

Vues sur la mer

Imaginez un tableau représentant un hôtel au bord de la mer . Ce tableau, au centre d'un mur blanc, vous pouvez l'examiner depuis la droite, la gauche, par en dessous ou au dessus. Vous pouvez l'admirer à la lumière de l'aube, celle du midi ou dans la pénombre du soir. Certainement, chaque fois que vous y reviendrez, vous découvrirez un tableau, certes le même, mais toujours un peu différent. Le détail qui vous a échappé le matin , vous sautera aux yeux le soir et la couleur si rouge à droite, semblera presque rose à gauche .
C'est exactement ce qu'a fait en littérature, Hélène Gaudy, avec son excellent premier roman "Vues sur la mer ".
Jeanne vient de quitter Adrien et arrive dans un hôtel avec vue sur la mer. Dans cet hôtel, gravitent quelques personnages comme le réceptionniste, la serveuse, un couple de vacanciers avec deux enfants .
Hélène Gaudy va raconter cette simple histoire sept fois de sept manières différentes, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.
Elle réussit l'exploit de ne jamais nous ennuyer et parvient, touches par touches, bribes par bribes, à faire le tour de la psychologie de ses personnages en toute légèreté malgré la simplicité de l'histoire.
Hélène Gaudy a reçu le prix médicis 2005 pour ces très belles "Vues sur la mer"!

samedi 9 février 2008

Fantaisie de Gérard de Nerval

"Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets !

Or, chaque fois que je viens à l'entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit,
C'est sous Louis treize et je crois voir s'étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière,
Baignant ses pieds, qui coule entre les fleurs:

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut être,
J'ai déjà vue, et dont je me souviens! "

Il y a près de trente ans que j'ai appris ce poème "par(le)cœur" et aujourd'hui encore je peux le transcrire de mémoire. J'étais en classe de "poésie" la bien nommée et Colette Nys , notre professeure nous avait fait découvrir Gérard de Nerval , ce poète fou! Je tombais immédiatement sous le charme de ce romantique , ami de Théophile Gauthier , de Victor Hugo et d'Alexandre Dumas. Soigné pour sa démence, il était cependant un grand voyageur épris du Moyen-Orient, grand connaisseur d'ésotérisme, de symbolisme et d'alchimie.
On dit qu'il a beaucoup influencé ses successeurs comme Marcel Proust, Arthur Rimbaud, Antonin Artaud ainsi que les surréalistes.
Il s'est pendu à une grille de la rue de la Vieille Lanterne à Paris le 26 janvier 1855 à l'âge de 46 ans.

PS: Le très riche et très beau blog de Laura vous en apprendra beaucoup plus que moi sur Gérard de Nerval : http://lauravanel-coytte.hautetfort.com/

vendredi 8 février 2008

L'humour belge dans la poésie

Nous les belges, nous sommes de plus en plus connus et appréciés à l'étranger pour notre sens de l'humour, notre capacité d'auto dérision et nos hommes politiques ne sont pas les derniers à la pratiquer.
En poésie aussi, l'un de nos concitoyens s'illustre par son sens aigu de l'humour et de la dérision. Jean-Pierre Verheggen, originaire de Gembloux mais maintenant établi à Mazy près de Namur, pratique avec succès la poésie truculente, le vers burlesque, le calembour qui rime.
S'il estropie les mots sans état d'âme pour donner à sa poésie un ton jubilatoire, il sait aussi rendre sa plume douloureuse et émouvante pour Gisella, son aimée trop tôt disparue.
Il a reçu en 1995 le grand prix de l'Humour Noir pour l'ensemble de son œuvre et en 2005, il a publié les "Portraits crachés", un recueil de personnalités belges réelles ou imaginaires.

POÈME POUR TENTER D'ATTRAPER UN PETIT POÈME

Pour tenter comme Raymond Queneau
(encore lui, toujours lui!)
d'attraper un petit po, un petit po,
un petit poème
qui passerait par là comme un passereau,
un petit poème indigène
(indigène du pays)
voire un poème plus gros
sans pour autant qu'il soit un phénomène
un petit poème pour que je puisse poésir
pour moins mourir
ou du moins le moins vite possible
pour pouvoir poésir et poésir à loisir
pour mieux voir où un petit po
un petit poème
qu'on attrape sans devoir trop courir
peut tranquillement nous conduire
car poémer, je les déjà tellement fait et défait
et poémir m'a tant et tant fait gémir
que c'est poésir que je veux faire à l'avenir
à l'avenir et framboise, si j'ose me permettre de dire!
pour davantage sourire le reste du restant de ma vie
je voudrais même, si j'osais me lâcher,
poérire en vérité
(tenez je peux vous l'avouer!)
pour bien pouvoir distinguer
parmi mes contemporains
mes comptant leurs sous dans leur tirelire
de mes contents de rire
d'un peu de tout de mon coté!
En fait, je voudrais pas comme certains
contempourrir sur pied
et continuer à rimer à rien
jusqu'à la saint-glinglin glacé!

Jean-Pierre Verheggen, Sodome et Grammaire, Gallimard 2008, p 73

jeudi 7 février 2008

Le chant du troubadour

Si vous parcourez le Saintonge, domaine royal des Plantagenêts, arrêtez-vous dans la demeure de la Marquise de Montespan à Lussac-les-Châteaux et écoutez ce chant du troubadour:

"Le Roi a fait battre tambour
pour voir toutes ses dames
et la première qu'il a vue
lui a ravi son âme.
-Marquis, dis moi, la connais-tu ?
Qui est cette jolie Dame ?
Le Marquis lui a répondu :
-Sire-Roi, c'est ma femme.
-Marquis, tu es plus heureux que moi
d'avoir femme si belle !
Si tu voulais me l'accorder, je me chargerais d'elle.
-Sire, si vous n'étiez pas le Roi, j'en tirerais vengeance,
mais puisque vous êtes le Roi, à votre obéissance!
-Adieu ma mie!
Adieu mon coeur!
Adieu mon espérance!
Puisqu'il te faut servir le Roi, séparons nous d'ensemble.
La Reine a fait faire un bouquet de belles fleurs de lys
et la senteur de ce bouquet a fait mourir
....... Marquise"

Ce chant très ancien raconte les amours de Louis XIV, Roi Soleil, avec Françoise de Rochechouart de Mortemart, Marquise de Montespan. Le Roi, époux de Marie-Thérèse D'Autriche, était un homme insatiable qui avait de nombreuses favorites dont la Marquise avec qui il eut quand même sept enfants. Six furent légitimés et quatre atteignirent l'âge adulte. Madame de Montespan mourut en 1707 à l'âge de 67 ans vraisemblablement lentement empoisonnée par le carbonate de plomb (le blanc de céruse) qu'elle utilisait pour son maquillage. Son mari, le Marquis, avait depuis longtemps, d'abord été enfermé, et puis consigné sur ses terres dont il ne put jamais sortir pour ne pas nuire au Roi.

mercredi 6 février 2008

Santos Dumont, poète à sa manière

Connaissez-vous la collection d'orfèvrerie du Château de Seneffe ? Pour un temps, cinq personnalités belges se sont appropriées quelques objets en argent du musée et les ont mis en scène dans un espace issu de leurs univers et de leurs imaginations de créateurs. Parmi ces univers, j'ai particulièrement apprécié celui de François Schuiten.

François Schuiten est un dessinateur de bandes dessinées et un scénographe. Il a rêvé et dessiné pour nous les fameuses "Cités obscures", un univers utopique à la faune et la flore étrange, aux us et coutumes décalés, à l'architecture obsédante. Un univers parallèle au nôtre avec de nombreux passages vers notre monde réel puisque certains de nos artistes célèbres y vivent comme Jules Verne ou Victor Horta.
François Schuiten, c'est le papa de Mary la penchée ! Pas étonnant qu'il ait choisi de mettre en scène au Château de Seneffe un dîner de l'aéropostier et dandy brésilien Santos Dumont.
Santos se plaisait à faire dîner ses invités sur des tables et des chaises surélevées à deux ou trois mètres du sol afin de les familiariser aux phénomènes physiques liés au vol !

Alberto Santos Dumont , né au Brésil en 1873, avait un rêve : faire voler un aéronef plus lourd que l'air! Le 23 octobre 1906 à Paris, il parvient à maintenir un biplan à moteur qu'il a baptisé 14bis, 60 mètres au dessus du sol. Il remporte pour cela un prix de 100.000 francs or, dont il distribue généreusement la moitié aux pauvres de Paris.
Ses seconds modèles d'aéronefs seront des monoplans motorisés, ancêtres de nos ULM, qu'il baptisera "Demoiselles". Quand je vous disais qu'il était poète......

mardi 5 février 2008

"le mal des fantômes" hommage à Benjamin Fondane

Au coeur de la Lozère,
dans un village qui n'appartient plus à notre temps,
il y a un châtaignier,
quatre pieds de vigne au flan de la colline.
On va y cueillir le thym et la lavande avant de rentrer
le soir au feu de bois.
Et les maisons sont toujours ouvertes pour le pèlerin ou pour l'étranger qui
passe dans ce village qui n'appartient plus à notre temps.

Le jeune pèlerin est arrivé,
17 ans aux dernières moissons.
Dans sa tête, le bruit des vivants.
Dans ses yeux, la lumière du monde.

"Jeune pèlerin, va t'asseoir dans la chapelle de ce village qui n'appartient plus à notre temps et écoute la voix du poète qui pleure ses amis trop tôt disparus .

Jeune pèlerin, n'aie pas peur de la voix des fantômes .
C'est Benjamin qui chante une dernière fois la liberté et les droits de l'homme."

La poésie est créatrice de vie.



Pour Raphaël

lundi 4 février 2008

Seisme en ouganda et Dieu dans tout ça !

L'information est tombée au journal radiophonique de 18 h ce dimanche. Deux violents séismes en Ouganda ont fait 40 morts et 500 blessés. Vous n'avez rien entendu à la télé aux journaux télévisés de 19h et 19h30 ? Moi non plus ! les rédacteurs en chef ont fait le tri dans l'info du jour. Voyez-vous, on est en Afrique, là ! Et il y a le carnaval de Stavelot et puis celui de Binche à traiter !
Ce qui m'avait frappé dans l'information de 18h, c'est que la plupart des victimes étaient en train d'assister à l'office religieux, en train de prier quand la terre s'est ouverte sous leurs pieds et que la vie leur a été enlevée. Mais à quel Dieu s'adressaient ces gens ? Au Bon Dieu, à Celui qui leur dit: "Mes pauvres enfants, vous avez assez souffert sur la terre, venez, je vous sors de là immédiatement!" (J'ai des doutes! Il a pris la mère, laissant les enfants ou l'inverse. Il y a maintenant les veuves, les orphelins, les estropiés qui se demandent pourquoi ils sont toujours là !)
A un Dieu sourd qui ne tient aucun compte des suppliques , des prières, des messes et qui envoie la foudre sur terre en plein milieu d'un office pour bien montrer qu'Il s'en fout, qu'Il n'écoute rien ! Ou est-ce le diable qui se déchaîne, jaloux des hommages rendus à son ennemi éternel ? Ou plus simple, n'y a-t-il ni Dieu ni diable? Rien ni personne ne peut répondre de manière absolue à ces questions. Il nous faut vivre avec. Notre seul espoir est d'en connaître peut-être la réponse dans un ailleurs. Mais y aura-t-il un ailleurs, là aussi, nous devons vivre sans savoir!

dimanche 3 février 2008

Tu n'es pas seul

Je viens d'achever un livre. Un livre riche, dense, intense, à la fois triste et heureux comme la vie. Un livre magnifique! Je savais que ce livre serait magnifique car je connaissais son auteur. Une auteure accomplie qui nous charme de la richesse de ses mots et de sa poésie en toute chose. Je lisais en confiance! Il s'agit du livre de Colette Nys-Mazure "Tu n'es pas seul" publié aux éditions Albin Michel en 2006. En 26 histoires courtes, elle nous donne à vivre quelques unes des épreuves qui jalonnent une vie; l'angoisse, la dépression, le mensonge, l'indifférence, la rupture. Ces épreuves, nous devons souvent les aborder dans la solitude mais il suffit d'un regard, d'un sourire pour que la distance soit abolie car nous sommes tous reliés dans une trame universelle. Une histoire m'a particulièrement touchée, c'est celle qui s'appelle "quelque part au grenier" sans doute parce qu'elle fait écho à des bribes de ma propre histoire, de mes propres souffrances tant il est vrai que la souffrance est universelle. Cette histoire se termine par ces mots "je crie, je crierai toute ma vie, j'écris". Le titre de mon blog en forme d'hommage en est inspiré.

De la difficulté de partager

L'ami idéal n'existe pas. Je veux dire celui qui peut comprendre et partager à la fois votre passion pour Marie Laforêt, Rufus Wainwright, Glynis Barber et les esquimaux du Groenland est absolument introuvable! Si vous avez un ami qui s'intéresse au pop rock, peut être arriverez vous à discuter de longues heures avec lui du dernier album de Rufus, mais vous l'assommerez invariablement avec les bouquets d'asphodèles de Marie, et que dire des esquimaux! Non, votre ami idéal doit absolument être composé d'autant de personnes que vous avez de passions. En amour aussi, même si au début votre prince charmant fait un effort pour s'intéresser à tous les aspects de votre petite personne, il y a fort à parier qu'après quelques temps (très peu de temps en réalité!) peu de sujets de votre conversation retiendront son attention. L'ennui, c'est qu'à moins d'être polyandre, il est assez difficile de multiplier les amours, du moins en même temps! Internet et la manie des blogs a quand même facilité la tâche des exigeantes dans mon genre. En quelques clics, vous tombez sur "Le" passionné de Rufus , "La"spécialiste de Glynis et c'est parti pour des heures de conversations passionnées avec un ami qui habite parfois à l'autre bout de la planète et dont vous ne connaîtrez jamais les défauts !